4 - Les kagos.
Le lendemain, quand je me réveille, certaines filles sont déjà debout... On fait la file pour aller sur le seau. Je repense à la soirée d'hier et surtout à la Voix. Je suis persuadée qu'ils nous ont greffé une minuscule oreillette. Ils arrivent aussi à agir sur le nerf sciatique et peut-être sur autre chose.
On parle un peu entre nous, en évitant certains sujets. Les jeunes arrivent
avec des casseroles. On se met toutes à genoux et on pose le front sur le sol.
Faire plus que ça, il faudrait s'enfouir dans la terre !!
Dans les casseroles, il y a du riz. Ils déversent aussi des fruits d'un sac de
jute : mandarines, bananes et pommes. Un des jeunes a un paquet de vêtements
dans les bras, il le jette par terre. La fille nous dit :
— Après mangé, habillé.
Ils s'en vont... On mange, puis on boit de l'eau qu'on remonte du puits.... Les
jeunes nourrissent les porcs et il y a des graines par terre pour les poules.
La fille nous montre du doigt le paquet de
vêtements. On en prend chacun un. Ce sont des habits réduits à leur plus simple
expression : des tuniques grises consistant en un simple rectangle de
tissus avec un trou pour la tête et qui arrivent en haut des cuisses. Il y a
aussi un paquet de longues lanières de cuir. Une des filles l'enroule autour de
sa taille, en faisant deux tours. De cette façon, le vêtement ne vole plus
autour de nous. Ils ont déjà été portés et ils sentent la sueur. Même avec la
ceinture, il y a si peu de tissus que les côtés de nos corps ne sont pas
couverts. La fille vient vers
nous et nous fait signe de la suivre.
On va dans une pièce de la ferme qui ressemble vaguement à une salle de classe.
Il y a deux grandes tables et des chaises. La fille nous montre le sol en
disant :
— Quand professeur entre, saluez.
On attend quelques minutes et on voit arriver un moine ! Il doit avoir 50 ans,
il porte un vêtement orange et sa tête est rasée. On refait toutes le coup du
front sur le sol et des fesses en l'air. Il nous dit en anglais :
— Relevez-vous et asseyez-vous.
On s'assied à six par table. Il y a des feuilles de papier, un porte-plume et
de l'encre. Le moine a un long et mince bambou en main... Aïe ! Il commence par
nous dire des mots simples qu'on doit toutes répéter : bonjour, merci
(celui-là, on le connaît), pardon, je ne comprends pas, un balai, du savon, un
torchon. Des mots utiles pour une servante... Il écrit ces mots sur un grand
tableau noir et on doit les dessiner sur le papier qu'on a reçu. Je dis
"dessiner", car les idéogrammes japonais ou chinois ressemblent plus
à des dessins qu'à des lettres. De temps en temps, une fille reçoit un petit
coup de bambou dans le dos. Il ne cherche pas vraiment à punir, mais à ce qu'on
reste attentives.
En fait, je retiens facilement, les autres filles aussi. Je ne sais pas ce
qu'ils ont trafiqué dans notre cerveau pour qu'on mémorise tout cela aussi
facilement... ou alors c'est la peur du fouet qui est accroché à un mur ! Après
deux heures de cours, une fille lève la main. Il lui dit :
— Parle.
— Je dois faire pipi, Monsieur.
Il répond :
— Alors tu dis : Oshikko shinakya, Sensei.
Elle répète la phrase. On est plusieurs à lever la main et à dire :
— Oshikko shinakya, Sensei.
— Allez-y toutes, mais pas plus de cinq minutes.
Ouf ! On pisse toutes dans la cour de la ferme.
La chef nous dit :
— J'ai l'impression de retenir les mots très facilement.
Plusieurs filles répondent "moi aussi". On n'en dit pas plus, par
peur de la Voix, mais on pense toutes la même chose. Après avoir fait « oshiko
», le cours reprend. Deux heures plus tard, on peut aller boire, puis on a
encore deux heures de cours. À 14 h, il nous dit :
— C'est fini pour aujourd'hui... répétez les mots et essayez de faire des
phrases. Allez avertir vos maîtres que le cours est terminé.
J'entends la Voix qui me dit "Saluez". On se met toutes à genoux et
on salue. C'est dingue cette Voix qui nous parle. Le moine ajoute :
— Laissez vos vêtements ici. Vous les remettrez demain.
On l'enlève, puis, on va dans la cour. La chef va s'incliner devant un des
jeunes et lui dit en japonais. :
— Manger, s'il vous plaît.
Ce sont des mots qu'on a appris. Il est surpris et répond en japonais :
— Venez.
Ça, on ne l'a pas appris, mais c’est facile à deviner. On va à la cuisine. Il
nous désigne des casseroles et nous montre la cour. OK, on doit aller manger
dehors.
On prend les casseroles et on va dans notre salle à manger, la grange. Le repas
est copieux et pas trop mauvais... Il y a même des restes de poissons. Leurs
restes, sans doute... et puis du riz, des haricots, des pommes, des bananes et
des mandarines comme hier soir. Le tout arrosé de l'eau du puits.
On a à peine fini que la fille qui parle un peu anglais arrive... J'ai entendu
qu'elle s'appelait Keiko. On est presque intimes, elle et moi, puisque je
connais son odeur et son goût. Keiko, donc, arrive avec les deux garçons, ils
portent un grand baquet en bois. Ils le mettent près du puits et Keiko le
désigne en disant :
— Eau. Lavez-vous.
Alors là, c'est pas de refus, on n'est pas fraîches du tout. Elle nous donne
deux morceaux de savon. On remplit le baquet avec le seau, ensuite on se lave à
trois. On se frotte le dos l'une l'autre. Keiko montre du doigt nos cheveux et
nos chattes en disant :
— Tout.
Oui, oui, d'accord. Dès que des filles sont lavées, elles sortent du baquet et
on leur verse un seau d'eau froide sur la tête pour les rincer. C’est très
froid, mais on est toutes contentes de se laver. Quand on est propres, on doit
s'habiller. Enfin, c'est une façon de parler, on met des sandales et les
chapeaux coniques en paille. On se ressemble plus que jamais. Keiko nous fait
signe de la suivre. On va dans l'écurie. Les jeunes sont là : les deux autres
filles et les deux garçons. Ils nous montrent de curieux sièges qui se
composent d'une partie pour s'asseoir, entre deux longs et très solides
bambous. La chef dit :
— Ce sont des chaises à porteurs.
Keiko répond :
— Oui : kagos. Vous, porter invités.
Ouch ! Ça ne doit pas être évident, surtout si ce sont des gros. On ne peut
même pas se réjouir de ce qu'ils n'aient pas de fouets, car ils ont tous les
cinq de minces badines en bambou. Je suppose que c'est plus facile à utiliser
entre les armatures du kago...
Deux par deux, on soulève le gros bambou et on le met sur notre épaule. Il y a
une épaisseur de tissus pour amortir... À vide, ce n'est pas trop lourd. On se
met toutes en dessous d'un kago et on sort de la ferme.
On prend le chemin qui monte vers le mur. Ce sont tous, hélas, des maniaques de la vitesse. On reçoit chacune des coups de bambou sur les fesses, les cuisses et les mollets. Ils nous disent :
— Motto hayaku !
Keiko traduit :
— PLUS VITE !
Oh ! On va l'entendre, ça... On finit par courir sur le sentier qui monte
légèrement... Mais même en courant, on reçoit encore des coups de bambou ! On
arrive enfin devant la porte qui donne vers l'extérieur. On est essoufflée et
en sueur... J'ai envie de me plaindre à la Voix, mais je n'ose pas... On
attend... Les jeunes parlent entre eux. Ils ne s'occupent pas plus de nous que
si on était des animaux et d’ailleurs, c'est ce qu'on est : des bêtes de trait.
On reste sous nos kagos. Je dois reconnaître que les jeunes sont des experts
dans l'art de manier la badine de bambou : on a toutes de nombreuses marques
rouges, mais aucune de nous n'est blessée et les marques ne sont même pas
"boursouflées". N'empêche, un coup de badine sur les mollets, ça fait
vraiment mal... Il fait chaud et j'ai soif. Heureusement qu'avec notre peau
brune, on ne craint pas les coups de soleil, je pense.
Enfin, des gens arrivent, ils sont nombreux... Il y a des hommes d'une
cinquantaine d'années habillés de vêtements traditionnels ornés de dragons et
d'autres symboles. Ils sont accompagnés de jolies femmes beaucoup plus jeunes.
Il y a deux Occidentales et des geishas, des vraies. Elles sont vêtues de très
beaux kimonos. Ils ne nous regardent pas, à part une jolie rousse qui nous
regarde en souriant.
À ce moment, la Voix me dit :
— Vous ne pouvez pas regarder vos Maîtres, baissez les yeux !
Je les baisse aussitôt, les autres aussi sans doute. Une femme qui a une voix
de gamine haut perchée demande :
— Alors, c'est ça les servantes malaises ?
Je suis sûre que c'est la rousse qui nous regardait. Un homme lui répond :
— Oui, elles sont arrivées, il y a deux jours...
— Je voudrais les voir l'une près de l'autre.
L'homme nous dit :
— Toutes sur un rang devant la Mademoiselle.
On se prend une série de coups de badines et quelques secondes plus tard, nous
sommes rangées devant la fille. Cette jeune rousse nous regarde avec une
grimace de dégoût et d'amusement à la fois... Elle nous examine, pince un sein,
donne une claque sur une hanche en disant :
— J'adore l'idée, elles sont totalement dépersonnalisées, comme des fourmis
dans une fourmilière... toutes au service de la Reine.
Et la Reine, c'est elle ? On n'est plus des moules, on est des fourmis... À
entendre son accent snob, je la situe aristocrate ou d'une très bonne famille
anglaise. Donc elle est snob, arrogante et méprisante. Elle nous dit :
— Montrez vos dents :
On retrousse nos lèvres.
— Ah, vous avez bien fait de ne pas leur blanchir les dents...
Mais j'ai les dents blanches !
— Et pour la taille, elles sont toutes à peu près les mêmes, c’est très bien.
Un homme répond :
— Comme la taille nous pose un problème, on a demandé à nos membres de nous
envoyer des filles de
La rousse demande à l’une d’entre nous :
— D’où viens-tu et pourquoi es-tu ici ?
— Je viens d'Australie et j'ai fait un blog pour dénoncer le braconnage et la
chasse d'animaux rares et...
La snobinarde rousse crie :
— C'est quoi ces conneries ! Je chasse depuis que j'ai 14 ans ! Dites, Monsieur
Taisuke, je peux la fouetter ?
— Bien sûr...
Ayant compris, Keiko lui tend sa badine. La rousse dit à l'Australienne :
— Retourne-toi et tends tes fesses !
La fille obéit et elle reçoit immédiatement cinq méchants coups de badine en
travers des fesses. Elle pousse un cri à chaque coup. Je jette un coup d'œil et
je vois le sourire cruel de la rousse. Elle prend son pied, là ! Elle va
mouiller sa belle robe en soie ! Voilà que je deviens aussi vulgaire que les
autres, sauf notre chef !
La rousse passe à la fille suivante. Oh non, c'est moi ! Elle me dit :
— Même question.
— Je suis française et j'étais baby-sitter à Chichibu, près de Tokyo. Le garçon
dont je m'occupais m'a craché à la figure et je l'ai giflé.
Elle va me fouetter ? Non, elle me dit :
— Regarde-moi.
Je lève les yeux. La fille est jolie mais elle a l'air aussi sympa qu'une
vipère à cornes. Elle se racle la gorge et me crache à la figure... Son crachat
dégouline de mon front à mon nez et ma bouche... Elle me demande :
— On ne t'a pas appris la politesse, servante ? Qu'est-ce que tu dois dire
quand je te fais l'honneur de te cracher dessus ?
— Merci Maîtresse.
À ce moment, l'homme qu'elle a appelé Taisuke lui dit :
— Dites-moi Mademoiselle Abigaïl, vous mesurez combien, vous ?
Elle se retourne vers lui l'air mauvais et répond :
— En quoi ça vous regarde ?
— Je vous demande simplement votre taille, répondez-moi.
— Si c'est une plaisanterie, je la trouve de très mauvais goût et je vous
préviens que...
L'homme la coupe en disant :
— À vue de nez, je dirais que vous mesurez
À suivre.
À suivre.
Bruce Morgan a illustré les 5 tomes de "Mia sans dessous" et les 2
tomes de "Samia, fille du voyage."
Nos livres sont ici :
https://www.lamusardine.com/recherche?s=mia+michael&controller=search
Toi, Mia, tu sais faire éclore le suspens, donner envie de lire la suite…
RépondreSupprimerJ'aime beaucoup lire tes romans…
C'est l'aventure, avec du sexe, de l'humour, du suspens, et c'est parsemé de fautes d'orthographe qui me font rire…
Abigaïl va t'elle devenir une esclave ??
Vraiment, j'aime bien te lire !!
Amaury
Tu parles trop bien de mes livres... Si j'avais le moyens je te nommerais directeur des relations publiques de la Mia Inc. Merci de me laisser ce gentil message, je me sentais très seule ici.... bisous, mia
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