9 - Les chambres.
On entre dans une grande chambre
qui donne sur le jardin. Le grand lit est défait et il y a ses restes de
nourritures sur des assiettes, ainsi que des bouteilles vides renversées. La
servante me dit :
— Tu as une heure pour tout
nettoyer et changer les draps.
— Mais...
— Je t'ai permis de parler,
Boira ?
Elle prononce Boy-ra. Je fais
non de la tête. Elle sort de la chambre. Bon... Je commence par changer les
draps, puis je nettoie tout. Je passe à la salle de bain, il y a une baignoire
qui doit dater d'un siècle ou deux, un w.c. beaucoup plus récent... Je n'arrête
pas, tout est impeccable quand elle revient. Bien sûr, il y a une chose ou une
autre qui ne lui plaît pas, comme un tout petit pli dans le couvre-lit. Je dois
tendre les fesses. Elle me donne trois coups de fouet, je crie... et on passe à
une autre chambre. Elle me fait travailler de chambre en chambre. Jusqu'à 10 h
du soir ! J'ai eu droit à 10 minutes à midi pour manger un bol avec du riz et
un accompagnement. Je l'ai mangé debout avec les doigts.
Dans l'après-midi, j'ai
vraiment besoin de faire pipi... Je me tortille de plus en plus et je me mets à
genoux quand elle entre dans la chambre. Elle me demande :
— Qu'est ce qu'il y a ?
— Je dois terriblement faire
pipi, Madame. Est-ce que je pourrais utiliser les toilettes ?
Elle lève les yeux au ciel, en
disant :
— Tu crois que tu peux pisser
dans les toilettes des invités, sale chienne d'Occidentale ?
— Pardon, Madame.
— Tes fesses Boy-ra !
Elle me donne trois coups de
fouet supplémentaires, je crie, puis je la remercie ! Ensuite, on redescend
l'escalier et on sort du château par l'arrière. Elle me montre un endroit
herbeux en disant :
— Là !
Je fais pipi, on remonte et on
passe à la chambre suivante. Elle me donne encore plusieurs coups de fouet sous
divers prétexte : à nouveau un couvre-lit qui n'est pas impeccablement plat,
une vague tache sur un miroir, un sol de salle de bains qui ne brille pas
assez. En fin d'après midi, elle repère un Kleenex derrière le pied d'un lit.
Elle le prend et hurle :
— C'est quoi ça ?
— Un vieux Kleenex, Madame.
Pardon, je ne l'avais pas vu. Je vais le jeter dans la poubelle.
— Mange-le.
— Mais... il est sale !
— Tu veux aller voir Maître
Seiba, demain ?
Je le mets aussitôt en bouche.
Je coupe des morceaux de Kleenex avec les dents, je les mâche et les avale. Un
homme s'est branlé et a joui dans ce Kleenex, c'est dégoûtant... Quand j'ai
tout avalé, elle sort un autre Kleenex usagé de la poche de son pantalon, se
mouche dedans et me le tend en disant :
— Puisque tu as l'air d'aimer
ça, mange.
Sale garce ! Je le mange
aussi. Quand c'est fait, on passe à la chambre suivante. Je vais tomber
d'épuisement ! Mais non, je suis en forme.
Ce n'est qu'à 10 h du soir
qu'on se retrouve au grenier, dans une grande pièce encombrée de meubles. Il y
a des matelas par terre. Je rejoins ma métisse, on parle un peu mais
rapidement, on s'endort dans les bras l'une de l'autre.
***
Le lendemain matin, quand on
est dans la cuisine, Harui nous annonce :
— Vous travaillez trop
mollement. Vous êtes toutes punies. Avant ça, faites-vous une tresse bien
serrée. Exécution.
Toutes punies ! On ne s'y
attendait pas. La tresse, est-ce pour nous attacher par les cheveux ? Tout est
possible, ici ! Je me raccroche à l'idée qu'on ne sera pas blessées !
On est neuf à avoir les
cheveux assez longs. On se fait une tresse l'une l'autre. La métisse a les
cheveux courts mais elle sait faire des tresses. Elle commence par moi. Harui
crie de nous dépêcher.
Quand toutes nos tresses sont
faites, on se dirige vers l'arrière du château. À tour de rôle, on entre dans
un bureau. Jack Palance est assis sur une chaise. Putain ! Il me fait trop
peur. Il me dit :
— Ici.
Je me place devant lui, il
m'attrape par la tresse et m'oblige à m'accroupir jusqu'à ce que mon visage
soit à quelque centimètres du sien et là, il m'engueule, mais bien ! Il hurle
en japonais que je suis une paresseuse, une souillon, une saleté plus des mots
que je ne comprends pas. C'est d'une violence qu'on ne peut pas imaginer... Je
sanglote à quelques centimètres de ces sales yeux de bête enragée. Quand il m'a
bien hurlé dessus, il me dit calmement.
— Passe dans la pièce d'à
côté.
Ce n'est pas glorieux, mais je
dois avouer que j'ai fait pipi ! C'était impossible de se retenir. Je ne dois
peut-être pas être la seule, parce que cette pièce sent la pisse !
Les jambes tremblantes et
mouillées, je passe dans la pièce d'à côté. Là, il y a une sorte de manège. Un
cercle de bois à environ
Mon Dieu, qu'est-ce qu'ils vont nous faire ? J'entends qu'on ligote les deux filles suivantes. Ensuite il y a le sifflement du fouet, puis le cri d'une fille et on se met à bouger.
— Aïe !
À mon tour, je reçois un coup
de fouet ! Je fais un bond en avant et on se met toutes à tourner. C'est le jeu
: on reçoit peut-être une vingtaine de coups de fouet chacune, tandis qu'on
tourne en rond dans le noir, puisqu'on a les yeux bandés. Le fouet, on a
l'habitude mais marcher sans rien voir, c'est effrayant. Enfin, on nous détache.
Les servantes ont assisté au spectacle. Harui nous dit :
— Assez joué, au travail !
Ça les fait rire. On va
travailler les fesses et les jambes marquées par le fouet... C'est vrai qu'au
bout de deux ou trois jours, les marques disparaissent, mais je jure que ça
fait très mal ! Des filles font les chambres, trois filles et moi, nous
devons récurer le grand hall du rez-de-chaussée avec une brosse dure. On passe
des heures à genoux...
En fin d'après midi, Harui me
dit :
— Boy-ra, viens avec moi.
J'ai rien fait ! Je la suis
dans un dédale d'escaliers et de couloirs. Elle frappe à une porte, attend un
ordre et on entre. Elle se plie à 45°, moi aussi. J'ai eu le temps de voir une
petite pièce avec quelques meubles. Sur un lit, couchée sur le ventre, il y a
une jolie Japonaise nue. Agenouillé à côté d'elle, un homme âgé la tatoue. En
relevant un peu la tête, je vois que la fille est recouverte par un dragon. La
queue s'enroule autour d'une de ses chevilles, tandis que la langue tourne
autour de son cou. C'est impressionnant, coloré, beau... L'homme pose son
aiguille et dit :
— Qu'est-ce que tu veux ?
Harui se redresse, moi aussi.
Elle répond :
— C'est la fille dont vous a
parlé Maître Seiba, Maître.
Il a un petit rire et dit :
— C'est Boy-ra, c'est ça ?
— Oui Maître.
La fille s'est retournée pour
me regarder. Sur le devant du corps, elle n'a pas de tatouage, sauf des petits
bouts de dragons qui dépassent des deux côtés. Le tatoueur me dit :
— Viens t'asseoir ici.
Je vais vite me mettre près de
la fille. Le tatoueur prend une autre aiguille en disant :
— Ne bouge pas.
Il me pique le cou, ce n'est
pas très agréable, mais je n'ose pas bouger. Il travaille un petit quart
d'heure, puis il dit :
— Regardez, j'ai transformé
HOKI en BOIRA, avec le H j'ai fait un B, le O est resté, j'ai intercalé un I,
j'ai transformé le K en A et pour terminer, j'ai transformé le I en A. Pour
couronner son nouveau nom, j'ai ajouté quelques jets de vapeur.
Les filles rient en regardant. Je m'en fous de leurs surnoms, qu'ils m'appellent Balai ou Chaudière. La seule chose que j'espère, c'est m'échapper un jour. Il a aussi transformé les idéogrammes japonais. Il se remet à travailler sur le dragon, Harui et moi, on se plie en deux et on s'en va.
Mon nouveau nom va avoir un
franc succès... On dirait que tout le monde a envie de dire Boy-ra.
***
On va travailler de cette
façon pendant plusieurs jours. Plus aucune fille ne sera punie. Il faut dire
qu'on a tellement peur de ça, qu'on obéit à n'importe quel ordre !
Enfin, ce matin, on va dans la
cuisine. Jack Palance est là. Aïe ! On ose à peine entrer. Une jolie jeune
Japonaise est assise sur ses cuisses. On se met toutes à genoux, le front sur
le sol, le plus loin possible de lui. La fille lui dit :
— On dirait qu'elles ont peur
de toi...
Il rit. Même son rire fait
peur. Il nous dit :
— Redressez-vous, Mademoiselle
Itoe va vous apprendre à servir à table. Vous commencerez ce midi. Vous avez
quatre heures pour apprendre.
Il embrasse la fille sur la
bouche, puis, il la prend par les hanches et la met debout. On suit la fille
jusque dans la salle à manger. Première chose, on doit enfiler un uniforme de
servante. Pas un sexy, genre les gamines qu'on voit dans le centre de Tokyo,
mais une robe noire avec un col banc, des manches courtes avec un parement et
un tablier blancs.
Elle n'a pas un fouet en main,
mais une mince baguette flexible. Celle-ci n’a pas grand-chose d’un fouet, mais
ça fait mal et ça laisse des marques rouges... et puis il y a le côté
humiliant. Oui, c'est bête de dire ça.
Elle nous apprend d'abord à
faire une révérence, ce qu'on doit exécuter chaque fois qu'on entre ou qu'on
sort d'une pièce, quand on sert un invité ou qu'on le croise quelque part dans
le château. Elle nous explique :
— Placez votre pied
droit derrière votre pied gauche, puis pliez vos genoux vers l'extérieur, tête
baissée. Il faut vous baisser jusqu'à ce que votre genou droit touche
légèrement le sol. Gardez cette position pendant deux secondes, puis
relevez-vous en restant droite. Allez-y.
On fait toutes le mouvement
d’une façon maladroite. Et on reçoit aussitôt des coups de baguette sur les
mollets. Ça fait vraiment mal et en plus le tout dure bien 20 minutes. À la
fin, on a toutes pleuré et on a les mollets zébrés. Je ne prétends pas que
c'est une punition aussi cruelle que le fouet, mais elle est réellement
douloureuse.
Ensuite, Itoe nous apprend de
quel côté servir un plat, comment verser le vin, à quel moment débarrasser, où
se tenir quand les gens mangent et dans quelle position...
À la fin de ce cours accéléré,
elle dit :
— Boy-ra !
Ouch ! Qu'est-ce que j'ai fait
de mal ?
— Oui, Maîtresse ?
— Mais non, pas maîtresse,
idiote, Mademoiselle. Vous n'êtes plus des esclaves.
Je ne vois aucune différence,
moi ! Elle poursuit :
— Vous devez dire Monsieur et
Madame, ou Mademoiselle aux filles de moins de 20 ans. C'est compris ?
On répond toutes :
— Oui Mademoiselle.
— Boy-ra, tu serviras à la
table du Prince.
— Oui Mademoiselle.
Il est presque midi trente.
Six d'entre nous doivent aller à la cuisine, les six autres dans la salle à
manger. Itoe nous surveille avec sa baguette. Les invités arrivent, ce sont
surtout des Japonais. Je l'entends dire :
— Il faut que je surveille les
servantes, c'est leur premier jour. S'il y a la moindre chose, prévenez-moi.
Comme je le pensais, la
transformation du château en hôtel-restaurant, soins du corps et d’autres
choses, est très récente. Le Prince est occupé de tout organiser. Par exemple,
il a supprimé les geishas. Je sens que nous allons bientôt devoir les
remplacer. Il est évident que les Japonais vont préférer essayer une étrangère
plutôt qu'une geisha qu'ils ont à leur disposition toute l'année...
Je dois me tenir près de la
table du Prince. Lui n'est pas là, mais il y a ses deux porte-parole thaïs.
Elles sont avec des Japonais et un couple d'Occidentaux. Je sers les boissons
avec de nombreuses révérences et courbettes. Ils me regardent en souriant, ce
qui est tout à fait inhabituel. Je connais la raison : c'est Boy-ra qui les
amuse. Les Thaïs racontent les raisons pour lesquelles on m'a rebaptisée.
Un rien les amuse, parce que
franchement, appeler une fille Chaudière, il n'y a pas de quoi en faire un tel
plat. On se prend toutes quelques coups de baguette sur les mollets quand on se
trompe. Puis, j'entends :
— Maladroite, vous avez
renversé du vin sur ma robe !
Je me dis « Pourvu qu'elle ne
discute pas, qu'elle s'excuse platement et surtout qu'elle ne dise pas : Mais
c'est vous qui... » J'entends :
— Mais Madame, c'est vous
qui...
— INSOLENTE ! Mademoiselle,
punissez cette servante.
À suivre
Bruce Morgan a
illustré les 5 tomes de "Mia sans dessous" et les 2 tomes de
"Samia, fille du voyage."
Nos livres sont ici :
https://www.lamusardine.com/recherche?s=mia+michael&controller=search
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