Lizy - 7 - Tout le monde obéit à Shrimati.

Elle sort de la pièce. C’est une folle dangereuse ! Elle revient suivie de deux servantes. L’une d’elles porte un des tabourets de la cuisine et l’autre des feuilles de papier, une plume et un encrier, qu’elle dépose sur la table. J’ai bien l’impression qu’elles sourient en coin. Shrimati me dit :
— Assieds-toi et prépare-toi à écrire.
Je pourrais me lever et la gifler... ou m’enfuir... ou obéir.
Assise sur ce tabouret rugueux, je prends une feuille et trempe une plume d’oie dans l’encrier. Elle dicte lentement, comme si j’étais débile :
— Plusieurs fois, Mademoiselle Shrimati, m’a interdit de répondre « mais » quand elle me disait de faire quelque chose. Pour ma punition, je dois écrire cette phrase cent fois.
J’entends les servantes rire et elle ne leur dit rien ! Elle ajoute même :
— Et de ta plus belle écriture ! Je te fais grâce de la suite qui est « Et si je désobéis encore, Madame Streng me donnera une bonne fessée ». Tu as bien compris ?
— Oui Mademoiselle. 
— Ah, une dernière chose, les servantes ne sont plus à ton service. Compris ?
— Oui Mademoiselle.
Elle se tourne vers les deux servantes qui sont là et leur dit :
— Vous pouvez vous asseoir pour surveiller Élisabeth. Il lui est interdit de sortir d’ici tant que sa punition n’est pas terminée.
Une servante ne peut pourtant « jamais » s’asseoir sur les sièges des Maîtres ! Elles répondent :
— Oui Maîtresse.
Shrimati sort de la pièce. Les deux servantes chuchotent et rient… de moi, bien sûr. Je trempe la plume dans l’encrier et je commence à écrire : 
« Plusieurs fois, Mademoiselle Shrimati... » 
      J’écris soigneusement. Six jours, et je quitte ce sale pays de moricauds. Mais en attendant… j’écris. Je ne peux plus rien demander aux servantes et je ne peux sûrement plus les punir non plus… J’entends qu’elles se moquent de moi, dans leur vilaine langue, parce mon prénom revient souvent. 




J’en suis à mon dixième « Plusieurs fois... » quand une servante entre dans le bureau, sans frapper, pour demander aux deux autres :
       — Elle est sage ?
       Une des deux répond :
       — Oui, elle écrit.
       Sa collègue ajoute :
       — Elle a intérêt, Madame Shrimati l’a menacée d'une fessée donnée par Madame Streng, si elle n’obéit pas. N’est-ce pas Élisabeth ?
       Et de rire encore ! Sales petits singes incultes ! Elle a osé m’appeler par mon prénom, en plus ! D’accord, je les ai toutes fait punir par Madame Streng, pour une raison ou une autre... Donc maintenant, je suis sûre qu’elles mouillent leurs saris à l'idée de pouvoir me traiter comme ça et se moquer de moi. La même ajoute :
— Il faut que soit très bien écrit, Élisabeth, sinon gare à vos fesses.
Elles éclatent de rire ! Moi, je serre les dents ! Une servante et même une esclave – disons-le – me menace de… la fessée. Six jours, Élisabeth !
J’écris pendant deux heures, tandis que les servantes discutent et viennent voir si mon travail avance. Des singes qui ne savent sans doute ni lire, ni écrire ! L’une d’elles me demande :
— Tu as bientôt fini ? C’est qu’on a autre chose à faire, nous.
Comme je ne peux pas me lever pour vider l’encrier sur sa tête, je réponds :
— Je suis presque à la dernière ligne…
— Dépêche toi, je les apporterai à Mademoiselle Shrimati. 
Je termine, elle prend mes feuilles et sort de la pièce. Elle revient rapidement pour me dire :
— C’est moyen, mais tu as fait un effort. 
Elle fait signe à l’autre servante avant de quitter la pièce. Je suis encore sous le coup de la série d’humiliation qu'elles viennent de me faire subir. C’est la fin de l’après-midi, je monte dans ma chambre. Je m’allonge sur mon lit et j’imagine des vengeances contre Shrimati. Plus que six jours ! Je descends bien à l’heure pour le repas. Je salue deux couples d’amis de mon père qui ont été invités avec leurs enfants.
Shrimati parle de tous les changements qu’elle va faire dans la propriété et dans la maison. Mon père dit :
— J’ai beaucoup de chance d’avoir une future femme aussi sérieuse…
Il me regarde… Quoi, qu’est-ce que j’ai fait ? Il ajoute :
— À tel point qu’elle a décidé de s’occuper de ma fille, à qui j’ai laissé faire ce qu’elle voulait, ces derniers temps. Résultat, elle est devenue paresseuse et insolente.
Je crie :
— Papa ! C’est faux, je… je…
Shrimati me coupe pour les prendre à témoin :
— Vous voyez ? Quand mon cher Spencer parle d’insolence, ce n'est vraiment pas exagéré. J’ai d'ailleurs été obligée de la punir, cet après-midi. Sans doute pour la première fois de sa vie.
Et les fessées de mon père ? Espèce de folle ! Les invités me regardent, tout sourire. Shrimati continue :
— Chaque fois que je lui disais quelque chose, elle me répondait « Mais... » suivi d’une excuse pour essayer d’échapper à ce que je lui demandais. Donc je lui ai fait écrire 100 fois… Dis-nous cette phrase, Élisabeth.
Rouge de honte, je récite :
— Plusieurs fois, Mademoiselle Shrimati m’a interdit de lui répondre « mais » quand elle me disait de faire quelque chose. Pour ma punition, je dois écrire cette phrase cent fois.
Ça fait rire les parents et surtout les enfants. Je voudrais disparaître dans un trou de souris ! Je ne dis plus un mot, à tel point que Shrimati finit par me chasser :
— Va bouder dans ta chambre Élisabeth et n’en sors pas avant demain matin.
Je salue tout le monde avant de quitter la pièce. Je vais la tuer !
***
Plus que quelques jours Élisabeth. Je n’ai plus Sabati et je ne peux plus rien demander aux servantes. J’évite même d’aller dans la cuisine. Je passe les jours suivants dans ma chambre  ou dans le jardin à ruminer des vengeances. Je décompte les jours en imaginant ma vie en Angleterre. Je n’ai plus le spectacle des filles fouettées et ça me manque… cruellement, si je puis utiliser ce mot.
Au cours du repas de midi du quatrième jour, Shrimati me dit :
— Les servantes ont beaucoup à faire, alors que tu passes tes journées sur ton lit, ou bien à paresser dans le jardin. Cet après-midi, je vais te donner mes draps et mes vêtements à laver. Tu les feras sécher et tu les repasseras. Demain, tu auras des travaux de couture pour moi.
En voyant ma tête, mon père commence par rire, puis il me dit :
— Shrimati va bientôt devenir ta belle mère, Élisabeth, tu dois lui obéir. De plus ça te fera beaucoup de bien de t’activer un peu. Tu auras tout le temps de paresser quand tu seras châtelaine.
On dirait que ça ne plaît pas à Shrimati qu’il intervienne, même pour lui donner raison, car elle lui dit :
— Quant à toi, Spencer, je trouve que tu as encore grossi. Ton ventre devient énorme, aussi j’ai décidé qu’à partir d’aujourd’hui, tu n’aurais plus de dessert et seulement deux verres de vin le soir.
Ouiii… Il va la gifler ! Non ! Il prend un air de chien battu et répond :
— Mais ma chérie…
Elle coupe :
— Ne commence pas comme ta fille. Plus de « mais » pour toi non plus. Sinon, tu feras 100 lignes comme Élisabeth.
Là, il va lui envoyer son poing dans la figure ! Non, il répond :
— Oui ma chérie, pardon.
Les servantes qui sont dans la salle à manger n’en perdent pas une miette. J’ai à peine fini mon dessert – oui, moi j’y ai encore droit – que Shrimati s'en prend de nouveau à moi :
— Va demander à Madame Streng de désigner une servante pour t’apprendre à faire une lessive. Un peu d’exercice, ça te fera beaucoup de bien.
J’ai compris : cette femme est un génie du mal ! Mais je réponds quand même très poliment :
— Oui Madame.
Mon père sourit. En fait, je crois qu'il aime me voir humiliée par sa saloperie de maîtresse. Je descends à la cuisine avec la servante. Il y a une fille à genoux sur des grains de maïs, les autres ne bougent pas en me voyant. Madame Streng lit. Je lui dis :
— Bonjour Madame Streng, pourriez-vous…
Elle me coupe sans me regarder : 
— Tu ne vois pas que je lis ? Tu attendras que j’aie fini ce chapitre.
Les servantes gloussent. Elles peuvent tout faire aujourd’hui. J’attends debout devant Madame Streng. Enfin, elle lève les yeux pour me demander :
— Qu’est-ce que tu veux ?
— Je dois faire la lessive de Madame… Est-ce que vous pourriez demander à une servante de… m’apprendre ?
— Non.
Elle est devenue folle ? Je lui dis :
— Mais c’est Madame Shrimati qui...
— Tu as oublié la formule magique, Élisabeth.
C’est quoi cette imbécillité ? Ah oui, on dit ça aux enfants. Je recommence : 
— Pourriez-vous demander à une servante de me montrer comment on fait lessive ? S’il vous plaît.
— Voilà… Tu veux donc faire ta lessive ?
— Non, celle… de Madame Shrimati.
Madame Streng rit, imitée par toutes les servantes... Puis elle lance :
— Divya !
— Oui Madame.
— Tu vas apprendre à Élisabeth comment laver les draps et les chemises de Madame. Elle doit t’obéir au doigt et à l’œil.
— Bien Madame.
J’ai déjà fait punir Divya, évidemment, donc je sais que c’est une coriace. Elle me dit :
— La première chose, c'est aller chercher le linge sale de Madame. Suis-moi.
On va dans la chambre de Shrimati. Il y a un gros paquet de draps, taies d’oreiller, robes, chemises et bas formant un tas sur le lit. On dirait qu’elle garde son linge sale depuis des semaines, juste pour moi. Divya me dit :
— Prends ça, on va dans la cour.
— Mais il y a trop, je ne pourrai jamais tout porter en une fois.
— C’est embêtant… Si tu n’obéis pas, on devra retourner chez Madame Streng pour te punir.
Elle me fait un sourire de… chacal, puis ajoute :
— À moins que tu ne me demandes très gentiment de t’aider...
Elle prend son pied, là. Je réponds :
— Vous voulez bien m’aider, Mademoiselle Divya ? S’il vous plaît.
Trois jours et je quitte ce sale pays. 

À suivre.

Un grand merci à Bruce Morgan, pour le super dessin.

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