Lizy - 30 La Sirène.

Nous sommes dans une grande pièce meublée de fauteuils et de divans. Au mur, il y a des tableaux de scènes érotiques, dont un satyre qui nique une nymphe ravie. On entend des pas dans l’escalier et Gégé arrive. C’est un homme assez grand qui n’a plus beaucoup de cheveux. Zep et lui tombent dans les bras l’un de l’autre. Ils se parlent rapidement en patois. Là, franchement « j’comprins rin ». Gégé me regarde et dit :
— Tu sais que je suis toujours prêt à te rendre service, mais…
— Dix jours, t’la paies et elle part. Tu sais qu’on a des amis… si ce d’vient risqué, je prins un ch’val et je vins la chercher.
Il tend la main, Gégé tape dedans. La vente est faite, je veux dire la location. Il dit :
— Faut quand même que je voie la marchandise. Enlève tes vêtements, petite.
— Oui, m’sieur.
Je me déshabille et, quand je suis nue, Gégé siffle entre ses dents, puis il dit :
— Dix jours et elle aura largement de quoi acheter des vêtements et le reste.
Il vient me voir de près, soupèse mes seins. Il voit les marques de fouet sur mes fesses, mais il ne fait pas de commentaires. En patois, Zep lui a tout expliqué. Il me dit :
— J’dois y aller, Lizy.
Je cours dans ses bras et je me serre contre lui en pleurant. Il me dit :
— T’peux pas rester dans l’Nord, dès qu’t’as l’argent pour la diligence et les auberges, vas à Paris.
— Tu restes pas…
— Tu sais qu’j’peux pas. Tu r’vins dans… trois mois, pas avant. On sera toujours là.
Il détache mes bras de son cou, puis embrasse son cousin et il s’en va. Une page est tournée. J’ai envie… de rattraper Zep ! Son cousin dit à la fille qui est là : 
— Fais-nous deux cafés arrosés.
Puis, il me dit :
— Rhabille-toi.
Je remets mes culottes et ma chemise. Faut que je pense à autre chose. On dirait que Gégé a mieux réussi que ses cousins, mais je crois que Zep et sa famille aiment leur vie. Moi aussi, je l’aimais. On boit les cafés, c’est bon et fort. Je dis à Gégé :
— Merci d’me prend’ m’sieur, vous avez un beau… euh…
Il termine ma phrase :
—… un bel établissement ? Tu vas devoir soigner ta façon de parler.
— Euh… je f’rai c’que vous dites.
— Ça viendra. Oui, pour ce qui est de La Sirène, ça marche bien… J’ai commencé en ouvrant un café très près du port. C’était le premier café à se trouver à cet endroit et les affaires ont marché très fort. J’ai engagé une série de serveuses. Ensuite, l’une des serveuses est devenue ma femme et on a décidé de revendre l’établissement. Avec l’argent on a ouvert un premier bordel, puis celui-ci. Tiens, voici Lucie.
Une jolie femme arrive dans la pièce… Elle est jeune, peut-être 26 ou 27 ans. Je me lève et, la force de l’habitude, je fais une révérence en disant :
— Bonjour Madame.
— Bonjour, qu’est-ce que tu veux ?
C’est Gégé qui répond :
— Elle est ici pour 10 jours, le temps de gagner de quoi aller à Paris. Je t’expliquerai.
— Tu sais qu’avec elle, ça fait 11 filles, c’est trop.
— Viens.
Ils quittent la pièce et quand ils reviennent, on dirait qu’elle s’est calmée. Elle vient me voir de près et en plissant le nez, elle dit :
— Viens, on monte. Tu vas te laver, c’est nécessaire.
— Oui Madame.
Je ne demande pas mieux que me laver tous les jours, mais… On va dans une grande pièce… où il y a une baignoire. C’est le grand confort. J’enlève mes vêtements de garçon. La fille qui rangeait la salle m’aide à me laver. Rapidement, elle me coiffe. Madame vient assister à la fin de ma toilette et elle me donne une robe blanche simple. Elle me dit :
— Alors, tu es Anglaise ?
— Oui Madame, mais on peut dire Irlandaise.
— Ils sont catholiques, c’est mieux. Mais tu as fait une grosse bêtise chez Zep.
— Non Madame, j’vous jure. Le Comte m’avait fait fouetter… et il a eu eune assident de chasse.
— La Comtesse n’est pas commode… Bon, tu as déjà travaillé dans un bordel ?
— Je suis née à Madras et j’ai travaillé dans l’fumoir du bateau qui m’a amenée à Londres…
— Et là, tu as comploté contre le roi.
Oh ! Comment elle sait ça ???
— C’est… euh… mon mari…qui...
— Oui… Essaie de parler comme nous, sans cet accent.
— Oui Madame.
Ils savent tout… et… bah, ça ne change rien. C’est la fin de l’après-midi, les clients vont bientôt arriver. Elle me présente à toutes les filles. Il y en a pour tous les goûts : grande, petite, grosse, mince, brune, blonde, rousse et une Arabe… Il y a aussi une petite fille avec un ours à la main. Comme je la regarde très étonnée, Madame me dit :
— La petite Laure ne vit pas ici, elle est juste venue apporter quelque chose à sa mère. Elle ne reste pas.
C'est la seule fois que je la vois.



Elle se tourne vers les filles et leur dit :
— Lizy n’est ici que pour peu de temps, elle ne parle pas bien le français. Qui veut faire l’équipe avec elle ?
Une fille lève la main en disant :
— Moi je veux bien, Madame.
Madame me dit :
— Elle te dira ce que tu dois faire. 
On va au premier étage. La fille me dit :
— Je m’appelle Henriette et je viens de Beauvais. Toi, tu viens d’où ?
— D’Irlande, Mademoiselle.
— Pas de Mademoiselle et dis-moi la vérité, tu ne viens pas d’Irlande.
— Je suis née aux Indes et je viens d’Angleterre, mais on m’a dit que c’était mieux de dire d’Irlande.
— C’est vrai… Je vais te montrer la maison.
Au premier étage, il y a plusieurs chambres, des candélabres et des gravures polissonnes aux murs. Henriette me dit :
— Ici, il y a les chambres pour les clients. 
Au deuxième étage, des chambres plus petites et enfin au troisième étage, les chambres des filles. Elle me dit :
— Il y a deux chambres avec cinq lits… tu devras dormir avec moi.
— Oh oui, merci.
Elle est surprise que je la remercie. On va dans une petite pièce qui sert à ranger les vêtements et elle me trouve une robe très courte, aussi transparente qu’une vitre, et des mules noires. Elle me dit :
— Tu es jolie comme ça, tu vas avoir du succès.
— Merci… Les clients, ce sont des pêcheurs ?
— Non des grossistes, des notables, des armateurs…
Elle voit que je ne comprends pas les mots et elle m’explique :
— Les armateurs sont des gens qui ont plusieurs bateaux de pêche qui travaillent pour eux. Les grossistes achètent poissons et crustacés en grande quantité pour les revendre ailleurs. Dans l’ensemble, des hommes propres et qui sont plutôt bien élevés. 
— Prop’ c’est bien…
Elle me reprend :
— Pro-pres.
— Oui pro-pres… 
— Bon, viens, ils vont arriver et en tant que jolie nouvelle, tu vas être la plus demandée.
— Vous… tu restes près de moi ?
Elle rit… moi aussi, un tout petit peu. Elle me dit :
— Fais pas le bébé.
Elle a raison… mais il faut me comprendre, j’avais trouvé un foyer, d’accord ils étaient spéciaux mais je m’amusais avec eux et puis Zep était mon amoureux et moi son amoureuse. 
Bon… Je n’ai pas décrit les six mois de voyage en mer en détail parce que c’était trop monotone. Je ne vais pas non plus décrire les huit jours que je passe, ici. Un bordel de province, ce n’est pas très... mouvementé. On reçoit des Messieurs prop’ sur eux, je veux dire pro-pres sur eux. Il faut sucer leurs bites de notables, puis présenter ses fesses… On est des putes, quoi. Ça se passe comme ça depuis la nuit des temps : déjà Ève au Paradis terrestre présentait ses fesses au serpent… C’est une image. 
Le neuvième jour, ça cesse d’être monotone et, mon Dieu, que je regrette ma tranquillité. En fin d’après-midi, un homme entre dans la Sirène. Comment le décrire : c’est Attila ou un pirate… Il est grand avec des hautes bottes et quand il écarte les pans de se longue veste, il a deux pistolets dans des étuis à portée de ses mains. Il a des cicatrices sur le visage, comme le défunt comte, mais il a l’air beaucoup plus méchant. Il sourit sans rien dire. Les filles ont l’air terrorisées. Gégé n’est pas là pour le moment… Une des filles crie :
— Madame, Monsieur l’ogre est là !
Elle arrive aussitôt et lui dit :
— Ravie de vous revoir, vous voulez vous amuser avec une ou deux filles ?
— Je veux celle qui s’appelle Lizy et je l’emmène.
— Mais…
— Vous avez envie qu’on fasse ça en douceur ?
Madame me prend par le bras en disant :
— Suis-le.
Je me débats en criant :
— Nooooonnn… Monsieur a dit que…. aaaïïïïee...
Elle m’a poussée contre l’ogre. Il me prend par la taille et il me colle contre lui, son visage à quelques centimètres du mien. Il me dit : 
— Ferme-la.
Je la ferme. Il me met sur son épaule comme si j’étais un sac de farine. On sort vers l’arrière et il ouvre la grille du petit jardin. Il y a un cheval qui attend. Il me hisse sur la selle et monte derrière moi.
Je veux la monotonie d’un bordel de province ! On traverse la ville et on arrive dans la campagne. Il se dirige vers une ferme et il descend de cheval, ensuite il me prend par la taille et me fait descendre à mon tour. Il me dit :
— Regarde-moi.
Pas facile, vu sa taille. Je lève la tête et lui la baisse. J’ai beaucoup de mal à le regarder dans les yeux. Il me dit à nouveau :
— La méthode douce ou la méthode fouet ?
— Douce Monsieur, s’il vous plaît…
— Bien. Alors, je veux toujours te voir, tu comprends ?
— Oui Monsieur.
— J’ai fait 20 km de détour pour toi… et c’est pas pour que tu me joues un tour de pute.
J’ose lui demander :
— Je vais aller dans un bordel, Monsieur ?
— À ton avis, où trouve-t-on des putes ? Prochaine question stupide tu seras punie, compris ?
— Oui Monsieur.

À suivre.

Un grand merci à Bruce Morgan, pour le super dessin.

Nos 7 livres illustrés sont ici : 

https://www.lamusardine.com/recherche?s=mia+michael&controller=search












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