Lizy - 31 L'ogre.

 J’ai les larmes aux yeux. Il ajoute :
— Tu veux une raison de pleurer ?
Je me frotte vite les yeux. J’ai dû être… une sorcière dans une autre vie et je le paie dans celle-ci. On se dirige vers la cour de la ferme. Il y a une diligence avec deux chevaux. Un homme sort de la maison. L’ogre lui dit :
— Tout s’est bien passé ?
— Avec les chiens, pas de problèmes. 
Il rappelle ses chiens qui viennent se coucher près de lui. Un autre homme arrive en disant :
— Les filles ont demandé à pisser, je leur ai dit de se retenir jusqu’à votre retour.
— Tu as bien fait… Laisse-les pisser maintenant, ensuite on y va.
Il ouvre la porte de la voiture. Il y a quatre filles qui ont l’air aussi apeurée que moi. Il leur dit :
— Allez les pisseuses, vous pouvez y aller mais faites ça devant nous.
Les quatre filles se troussent et font pipi. Je les imite… Quand c’est fait, on monte dans la voiture. Il y a deux banquettes. L’ogre s’assied et une jolie brune se met à côté de lui. Moi, je suis sur la banquette qui fait face, avec les deux autres filles. 
Le cocher fait claquer son fouet et les chevaux partent au pas. C’est la fin de l’après-midi. Les quatre filles sont franchement belles, pas vraiment distinguées, mais si j’ai bien compris, ce sont des putes… comme moi. Je dis aux filles :
— Je m’appelle Lizy et je suis…
Une des filles me coupe la parole et poursuit :
— Anglaise. Moi, c’est Cat et voici Lucie et Clémence. 
Je dis :
— Enchantée…
L’ogre nous regarde échanger ces mondanités, il me dit :
— Bien Lizy. Continue à être aussi polie. Tu dis à tes clients : je serais enchantée de vous sucer la bite avant que vous m’enculiez ?
C’est facile de se moquer des autres quand on est un ogre !! Une des filles lui demande :
— On peut parler, Monsieur ?
— Oui, ça passera le temps. Raconte pourquoi tu as quitté Madras, Lizy. 
Tout le monde sait tout de moi ou presque. Je sais bien que c’est pour se moquer, mais bon… Il faut juste que je ne pleure pas.
— Je suis née à Madras. Mon père était riche et on vivait dans une belle maison. Mais il a épousé une Indienne…
Une des filles, Lucie, je crois, me dit :
— Tu inventes, là ?
— Non, je vous jure… Elle m’a envoyée à Londres en tant que servante d’une méchante femme. Je me suis enfuie et… j’ai demandé à un bateau de pêche de me déposer près de… la côte française. J’ai vécu avec une famille de pêcheurs à pieds et tout allait bien, mais Monsieur est venu me chercher.
Une fille me dit :
— T’as jamais travaillé dans un bordel ?
— Si, pendant plus de six mois, sur le bateau qui m’amenait à Londres.
Les autres filles racontent leurs histoires, une a été vendue par ses parents, une autre par son mari qu’elle a trompé… L’ogre somnole… Je dis aux filles en lui jetant un coup d’œil :
— Il fait peur.
Ça fait sourire l’ogre. Une fille répond :
— C’est un chasseur… Je pense qu’il va nous vendre dans un bordel.
— Comme si on était des poissons ou des moules ?
— Oui.
Ça fait rire les filles.
On arrive dans une grande grande ferme. La voiture s’arrête devant l’écurie. On doit descendre et entrer dans le bâtiment. Oh ! Il y a des dizaines de filles… assises par terre sur de la paille. Il y a aussi plusieurs hommes armés de fouets. L’ogre demande à un des hommes.
— Pas de problème ?
— Non, M’sieur.
— Bien, on les vend demain.
On dort dans la paille.
***
Le lendemain, on reçoit de l’eau et du pain… On doit se mettre nues, puis 10 par 10, on peut aller se soulager dans un trou creusé à l’extérieur des écuries. Pieds nus, ce serait impossible de s’enfuir et puis il y a des chiens, comme dans toutes les fermes. Ensuite, on doit se mettre par rangées à genoux, assises sur les talons. 



On doit bien être une cinquantaine. On a intérêt à vite comprendre ce que veulent les gardes parce qu’ils adorent nous donner des coups de fouet sur les mollets. Une voiture luxueuse arrive et un homme bien habillé en descend. À voir ses vêtements et son carrosse, c’est sans doute lui, le commanditaire de la chasse. Il passe au milieu des rangées, un mouchoir parfumé sur le nez. Oui, on manque toutes de baignoires et de savon. Il dit : 
— Félicitations, Monsieur Logre, c’est de la belle marchandise.
— Merci…
Ce n’est qu’à ce moment que je comprends que ce n’est pas l’ogre mais Logre. Il doit s’agir de son nom... C’est encore compliqué pour moi en français. Il ajoute :
— Une des filles pourrait vous amener des problèmes, c’est la petite blonde qui nous regarde, l’air affolée. On a appris qu’elle avait dû s’enfuir de Londres… et puis il y a eu un accident de chasse qui a coûté la vie à un Comte… Je l’ignorais quand vous me l’avez signalée.
— Oui, moi aussi… Ça ne change rien à notre accord, mais je voudrais que vous m’en débarrassiez. 
Ils veulent me supprimer ? Je crie :
— Non je ne dirai rien ! Je le jure !
Logre me dit :
— On ne va pas te supprimer, sotte ! Je t’amène à Paris. Et là, tu te débrouilleras. 
J’ai peur… Il ajoute :
— Pour le moment, tu me suis comme mon ombre.
Je regarde ma voisine en disant tout bas :
— Je ne comprends pas ce que ça veut dire.
Elle chuchote :
— Tu le colles.
— Merci.
Bien, je serai l’ombre de Logre. Il dit aux filles :
— Les acheteurs arrivent, vous souriez et prenez la pose qu’ils vous diront. Sinon…
Oui, elles ont compris. Les acheteurs arrivent… en fait, il y en a peu : quatre hommes et une femme. Il y a donc le chasseur, la marchandise, le commanditaire et maintenant les clients. Logre dit :
— Toutes les filles sont jeunes et en bonne santé. Elles sont prêtes à se plier en quatre pour plaire à vos clients.
Ça me fait penser aux marchandes de poissons et de coquillages des marchés de Londres. Elles criaient :
— Elle est belle ma moule... et ma raie est toute fraîche.
J’invente parce que ça n’a pas le même sens en anglais, mais je me rends compte que je connais suffisamment le français pour jouer avec les mots... Autant penser à ça qu’à ce qui va m’arriver. Que vais-je faire seule à Paris ?
Ouch ! L’ombre n’a pas suivi ! Je me recolle vite à Logre. Les acheteurs forment un cercle et l’une après l’autre, les filles doivent se mettre au milieu. Elles reçoivent des ordres divers :
— Lève les bras, mets-toi à quatre pattes, écarte tes fesses, saute sur place, plus haut, fais le chat, en miaulant !
— Maaaawwww…
Rires. Ensuite, ce sont des enchères rapides… En fait, on peut dire qu’ils s’amusent d’abord, puis ils se partagent les filles. En deux heures, toutes les filles sont vendues. Les acheteurs entrent dans la ferme avec le commanditaire. Ils ressortent l’air satisfait. Ils vont devoir faire venir de grandes charrettes pour y mettre les filles… Pourvu que tout se passe bien pour elles et pour moi. 
Deux chevaux nous attendent, Logre et moi. On part… Heureusement que je monte bien, car il prend des petits chemins. Par moment, on passe même à travers des bois. En début de soirée, on s’arrête dans une auberge. Un jeune homme sale et boutonneux arrive en disant :
— Bonsoir Monsieur Logre. Je vais m’occuper de vos chevaux. Dites, vous en avez une jolie pouliche.
— Bonsoir petit. Tu veux une pièce ou te faire sucer par la pouliche ?
— Les deux, M’sieur.
Logre rit et répond :
— Bonne réponse. Tu auras les deux. Tu pourras même faire ce que tu veux de la pouliche...
Comment ça ? Il ne va pas me conduire à Paris, mais me supprimer dans un bois ? Je ne devrais jamais céder à la panique. Hélas, ce sale gamin et la peur que Logre me fasse disparaître, ce sont des déclencheurs. Je m’enfuis dans les bois qui sont à côté de l’auberge. Je cours vite… Je vais courir jusqu’à la tombée de la nuit et, dans le noir, ils ne me trouveront pas. Je n’ai pas fait 10 mètres que je réalise ma stupidité, Logre est un chasseur, il va me rattraper sans l’ombre d’un doute. Je m’arrête… Il me rejoint en disant :
— Je t’ai dit de me suivre comme mon ombre.
— J’ai paniqué quand vous avez dit… 
Je me mets à pleurer… Il me montre son pouce et son index sans lever le bras, en disant :
— Mets ton oreille ici.
Je me penche et je mets mon oreille entre ses doigts. Il me pince fort le lobe de l’oreille. Je crie :
— Aaaaïïïee ! Vous me faites mal… Il faut me comprendre... j'ai paniqué, aïïïeeee… Pitié Monsieur...
Il répond :
— Tu m’as désobéi, je vais te punir. 
Il sort un couteau d’une gaine en cuir qui se trouve près d’un de ses pistolets. Je crie :
— Nooooon !! Ne me tuez pas !!
Il donne son couteau au gamin en disant :
— Coupe-moi quelques tiges de noisetiers bien vertes.
— Oui M’sieur.

À suivre.

Un grand merci à Bruce Morgan, pour le super dessin.

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