546 - 51 Marie-Galante.

 On approche d’une baie. Il y a de belles plages, des palmiers, du soleil… Normalement, j’aime ça. Pourtant, je voudrais qu’il fasse gris et qu’il y ait des rochers, comme à La Pointe aux Oies. Et même « qu’a pleuve »… comme on dit là-bas. Je tiens la main d’Ariane et je lui dis :
— Je ne sais pas nager…
Elle soupire et répond :
— Personne ne sait nager, tu crois qu’ils nous ont amenées ici pour nous noyer ?
— Non, mais…
— Et ces petits bateaux de pêche, c’est pourquoi, à ton avis ?
— Pardon...
Il y a différents petits bateaux qui viennent nous chercher. D’abord les personnes importantes, comme Anna, son mari, Henri le peintre… Les pêcheurs sont de différentes couleurs : des Caraïbes comme Anna, des Africains et puis des Blancs, mais pas vraiment comme nous. 
Quand tous les passagers sont à terre, c’est à notre tour. On prend les petits bateaux qui nous amènent sur la plage. Trois Africains costauds nous font signe de les rejoindre. Il y a un tas de robes longues, des chapeaux et des sandales... Un des hommes nous dit :
— Habillez-vous, les Blanches ne sont pas faites pour ce pays.
Ça, c’est vrai. Il fait chaud et ce serait beaucoup mieux d’être à l’ombre. Quand on est toutes habillées, l’homme nous dit :
— Je suis votre chef. Je dirige toutes les esclaves femelles de Madame de Lisieux.
Esclaves femelles !!! Eh ! On est des femmes ! Il poursuit :
— Vous allez préparer un champ et le cultiver. N’essayez pas de vous échapper, nos amis Caraïbes sont de très bons pisteurs et vous n’aimeriez pas le traitement réservé aux esclaves qui ont essayé de s’enfuir. Mes assistantes sont Perle et Suzy. Vous les appellerez Mademoiselle. Obéissez et tout se passera bien.
Il rejoint Henri qui attend sous des arbres avec des chevaux. Ils montent sur les chevaux. Le chef crie :
— Suivez-moi !
Ses deux aides et Henri se mettent derrière nous. Il va avoir du mal à dessiner ! On suit le cheval de tête. Je pensais qu’on serait vendues, mais on dirait qu’Anna ou son beau père ont décidé de toutes nous garder. Il fait chaud, on transpire dans les robes de coton. Quelques personnes viennent nous regarder, curieuses de voir des esclaves blanches. On marche vers l’intérieur des terres. C’est inhabituel de ne pas être enchaînées. Je suis près d’Ariane… On arrive dans une forêt… Il y a des palmiers et des plantes que je n’ai jamais vues, même à Madras. Les gardiennes ont des fouets et elles les font claquer quand on ralentit la cadence. Nos robes sont trempées de sueur. Les moustiques nous piquent sur le moindre bout de peau nue. Au bout d’une heure, on peut s’arrêter et boire dans une petite citerne qui est recouverte d’un couvercle de bois. Il faut une autre heure pour arriver devant une assez grande construction en bois. Quatre murs en planches et un toit en bois qui forme une sorte d’auvent. Une ouverture sert de porte. Sous cet auvent, il y a un Caraïbe âgé assis près d’un feu. Il y a aussi une table avec différentes boîtes en bois. Il se lève et une gardienne nous dit :
— Le shaman va vous examiner, enlevez vos robes.  
Un shaman ! Je rêve qu’il puisse nous renvoyer en France, Ariane et moi. Quand on est nues, elle ajoute : 
— À tour de rôle, allez vous mettre devant lui et vous le saluez.
Une première fille va s’incliner devant lui. Il lui demande :
— Tu te sens bien ?
— Oui Monsieur.
Enfin, je suppose qu’elle se sent aussi bien qu’une esclave qui vient de marcher deux heures sous un soleil de plomb.
Il passe les mains sur différentes parties de son corps. Quand il a fini, il prend une gourde et verse un peu de liquide dans une tasse. Il lui tend en disant : 
— Bois.
La fille obéit… Puis c’est à la suivante. 




Henri dessine… il n’arrête pas. Quand c’est mon tour, il me regarde dans les yeux en disant :
— Je sens ta peur…
— Oh oui Monsieur, je suis terrifiée.
— Pourquoi ?
Il est bon, lui ! Pourquoi ? Parce que je vais devoir couper des cannes à sucres sous les coups de fouet de gardiennes cruelles. Comme s’il avait entendu ce que je pense, il me dit :
— Tu sais bien que ce n’est que pour peu de temps, puis vous serez esclaves de maison.
On dirait Ariane qui me parle. Je réponds :
— Oui Monsieur.
Il met un peu de liquide dans une tasse et il ajoute différentes poudres. Dès que j’ai bu… je me sens mieux. Il dit : 
— Regarde-moi.
Je lève la tête pour le regarder… Il ajoute :
— Je ne peux pas supprimer tes angoisses, mais je peux les diminuer…
C’est vrai, je me sens un peu mieux. Sans réfléchir, je prends sa main et je l’embrasse en disant :
— Vous êtes un Saint.
Il rit. Je m’incline et je reprends ma place à côté d’Ariane. Elle, elle est normale. Je veux dire, il n’a pas senti une tonne d’angoisse en elle. Il nous montre un paquet d’herbe en disant :
— Prenez une petite poignée de ses herbes et glissez-la sous votre robe, ça éloignera les insectes.
Je le remercie et les autres font comme moi. Il nous dit :
— Je repasserai demain.
Le reste, c’est comme tout ce qu’on a connu : feuillées, repas… puis on parle et on dort dès qu’il fait noir, c’est-à-dire très tôt, puisqu’on n’a pas de bougies. Je me couche contre Ariane et je lui dis tout bas :
— Je ne voulais pas me faire remarquer, mais il a senti que…
— Que tu étais une paniqueuse.
— Oui.
— Pas importance, dors.
***
On est réveillées dès que le soleil est levé. Les gardiennes nous apportent des fruits, des sortes de galettes de maïs et de l’eau. On mange, on se soulage dehors. Ensuite, on s’habille. 
Les trois Africains costauds arrivent. Ils ne sont vêtus que de culottes courtes. Le chef nous dit :
— Vous allez travailler dans les champs et vous ne serez pas enchaînées. Celle qui s’enfuira sera rattrapée et passera un mauvais moment. Compris ? 
On répond :
— Oui chef.
Le chef, donc, se met devant notre groupe et on le suit. Les deux autres Africains marchent derrière nous. On avance sous le soleil brûlant, heureusement qu’on a un grand chapeau de paille et une robe avec des longues manches.
Après une bonne demi-heure de marche, on arrive devant une parcelle de forêt qui a été brûlée. Le chef nous dit : 
— On brûle une partie de forêt et les cendres servent d’engrais. Votre travail consiste à arracher les plantes qui ont repoussé, les cailloux et les branches mortes. Celle qui travaille mollement sera fouettée. Tout le monde a compris ?
On répond :
— Oui chef.
— Mieux que ça !
— OUI CHEF !
— Bien, mettez-vous sur une rangée, les unes à côté des autres.
Maladroitement, on forme sa rangée. Un des hommes prend un pot en métal et, avec un pinceau, il trace une grande lettre et un numéro sur le dos de notre robe de coton. Moi, je suis le F11 et Ariane le F12. Le chef nous dit :
— Dorénavant, vous n’avez plus de nom mais cette lettre et ce numéro. Vous vous mettez sur une rangée et vous avancez ensemble en arrachant les mauvaises herbes qui ont repoussé… Si vous voyez un serpent, appelez un de nous. Commencez !
****
On se met toutes l’une à côté de l’autre sur le champ couvert de cendres et on arrache toutes les petites plantes. Par moment, on doit se mettre à deux pour l’arracher… Il y a aussi des trous là où on a arraché les souches des arbres brûlés. 
Soudain, une fille crie :
— Iîîîîîîîeee ! Un serpent !
Aussitôt, un des gardes arrive avec une machette et il coupe la tête du serpent. J’ai failli sauter dans les bras d’Ariane ! J’ai peur des serpents, bien sûr. Il fait très chaud, mais heureusement, il y a des cruches d’eau et régulièrement, on peut aller boire. Ariane et moi, on tient un bon rythme. On laisse derrière nous une traînée de plantes arrachées. Soudain, on entend :
— STOP ! L4, L15, L19, ici.
Trois filles vont près du chef. Il leur dit :
— Vous travaillez moins vite que les autres. Relevez vos jupes jusqu’à la taille et tendez vos fesses.
Il n’a pas de fouet, mais il a coupé une branche bien verte. Quand les filles sont en position, toutes tremblantes, il leur donne cinq coups sur les fesses. Oh ! Il fait de belles lignes rouges bien parallèles… C’est beau… mais qu’est-ce que je raconte, moi. Pauvres filles. Henri est ravi. Quand les trois paires de fesses portent sa signature, le chef dit :
— Retournez travailler.
Les filles y vont en pleurnichant et en frottant leurs fesses. Ben oui, il fallait qu’elles travaillent. J’entends :
— F11, ici.
Quoi, F11 ? C’est moi. Mais j’ai travaillé ! Le Seigneur se moque de moi, parce que je me suis moqué un peu des filles fouettées. Je vais chez le garde et j’ai déjà les larmes aux yeux. 

À suivre.

Un grand merci à Bruce Morgan, pour le super dessin.

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