640 - 37 Le déclic.
Atsuko me dit :
— On était obligées de les amuser, on ne doit pas avoir honte malgré ce qu’on a fait. On a le mot esclave brûlé sur nos fesses, on n’a pas tellement le choix.
Elle ajoute :
— On va d’abord s’éloigner de cette vermine.
— Bonne idée. Vermine, ça leur va bien et pour le connard de tout à l’heure, si on disait « le prétentieux » ?
Elle rit et répond :
— On va dire « Les prétentieux et les vermines ».
Une toute petite façon de nous venger.
On fait le tour de la grande cour et on trouve de la paille dans une pièce, mais c’est un cinq étoiles ! On vérifie qu’il n’y a pas trop d’insectes ou de rats, puis on se couche l’une contre l’autre. Je ne rêve pas et d’un côté, tant mieux.
***
Le lendemain, un connard qui crie :
— Les putains !!
On se réveille en sursaut, toujours l’une contre l’autre. Atsuko me dit :
— Je suppose que c’est nous !
On est traitées de putains par de la vermine. On y va vite. Une des vermines gueule :
— Dèj !!!
On va tout chercher dans une des pièces et on le leur amène. Il s’agit de brioches fourrées à la viande avec du thé.
Quand ils mangent tous, on les regarde comme les petits pauvres derrière la vitre d’un restaurant regardent les bourgeois qui s’empiffrent tellement qu’ils en crèvent. Les pauvres entrent et ils se mettent à table. Comme les riches ont déjà payé, le patron du restaurant les laisse terminer le repas. Et les corps des riches ? Eh ! Sois gentille, lectrice imaginaire. Je préfère penser à ça plutôt qu’à Mila et Atsuko animaux de traits... Les vermines nous laissent manger leurs restes. Ça leur ferait mal de laisser une brioche à la viande entière, il faut qu’il l’aient mordue. On s’en fout, on sait qu’on va avoir un sale moment à passer en tirant la charrue, alors une morsure de vermine, c’est la moindre des choses.
Après ce repas de restes, on doit suivre les vermines vers un petit champ.
Quelques prétentieux qui murmurent descendent de leur domaine pour se mettre sur le bord du champ. On voit que les vermines en ont peur. Tous, ils nous attendent. Une vermine nous fait signe d’y aller.
On va dans le champ, toujours nues et beaucoup plus belles que les prétentieuses et les vermines femelles. Deux hommes nous mettent un harnais de cuir, assez large sur les épaules. Ensuite ils les attachent à une charrue qui doit dater de plusieurs siècles. Dans quel cerveau abruti cette idée a-t-elle pu germer ? La charrue a sa pointe enfoncée dans le sol. Un homme se tient derrière la charrue. Il doit être particulièrement adroit, parce qu’il frappe nos deux derrières en même temps de la lanière de son fouet. On pousse un cri et on avance en faisant avancer le fer de la charrue dans la terre. On a fait un bond dans le temps de 500 ans... quoique... à l’époque, ils devaient avoir des animaux de traits.
C’est très, très dur. On tire péniblement cette charrue dont le « soc » n’est pourtant pas enfoncé profondément dans la terre. Le champ est petit mais c’est de la terre compacte. On reçoit des coups de fouet qui font vraiment mal, mais sans nous faire saigner. Les vermines hurlent des encouragements, tandis que les snobs murmurent leur dégoût pour ce genre de spectacle.
Deux heures, c’est à peu près le temps qu’il faut pour retourner tout le champ. Les snobs ont la mine dégoûtée des hommes richissimes obligés de faire l’aumône à un pauvre hère. Qu’est-ce que je raconte, l’aumône, ils ne savent même pas ce que c’est. Je vous ai épargné les « aïe ! » qui ponctuent notre travail du champ.
Les prétentieux retournent dans leurs domaines, ils ont été obligés d’assister à un spectacle d’une vulgarité dégradante. Les prétentieux partis, les vermines se désintéressent de nous. Un homme dit mollement :
— Qui a envie de baiser les filles ?
Pas de réponses. L’homme ajoute :
— Et si on allait boire un coup ?
Là, ils sont enthousiastes. L’homme qui nous fouettait nous dit :
— Retournez dans la cour de la ferme. À midi, vous servirez le repas.
Atsuko répond :
— Merci Maître.
On a pas mal de marques rouges sur les épaules, le dos, les fesses, les cuisses. On est là, toutes bêtes au bord du champ qu’on a retourné. Physiquement, on est épuisées, zébrées de marques rouges et en sueur. On retourne dans la cour de la ferme et on va boire, puis on retourne dans notre chambre. Simplement se coucher dans la paille, ça nous fait mal. On trouve heureusement quelques morceaux de toile de jute et on se couche dessus.
Atsuko me dit :
— Il paraît que le travail des champs est destiné à nous « débloquer ». Toi, tu dois écrire et moi, je dois faire des dessins et des origamis qui plaisent à l’IA. Je vais demander des déchets de papier. Toi, tu sais écrire sur du papier ?
— Oui, bien sûr...
— Tu veux que je te raconte une histoire ? Toi, tu me donneras des idées pour les dessins et les origamis.
Elle me tend la main, on check, on est associées. Elle me raconte son histoire, c’est une descente aux enfers, comme j’en écris pour me défouler ou peut-être parce que je suis... barjo ou les deux. Je lui pose beaucoup de questions. On en oublie un peu les marques du fouet. On est interrompues par un cri de vermine :
— Les putes, service !
On va vite les servir. Nos zébrures rouges les amusent. Heureusement, à part nous claquer les fesses, ils ne veulent pas de services sexuels. Quand ils ont fini, ils repartent dans les champs et ils nous laissent... leurs restes. On mange et on boit. Atsuko me dit :
— J’ai de nouveau des idées pour les dessins et des origamis. Parler avec toi ça m’a fait du bien et toi tu vas écrire mon histoire. Un peu romancée, si tu veux.
— Oui, merci et...
Je m’arrête parce qu’une petite bonne arrive vers nous. Petite parce qu’elle est jeune et bonne parce qu’elle a un uniforme : une robe noire légère et un tablier blanc. Elle nous dit :
— Vous deux, avec moi.
Elle n’est pas sympa du tout, elle est sans doute au service des prétentieux. Atsuko me prend la main et on la suit vers le domaine des prétentieux. On se regarde et on pense la même chose : on est « débloquées » et on va être traitées comme des artistes de talents. On l’espère, surtout... Je veux quand même en savoir un peu plus, alors je dis poliment à la « petite bonne » :
— Mademoiselle, s’il vous plaît, est-ce que...
Elle ne me laisse pas continuer et me dit :
— La gouvernante de l’étage inférieur vous assignera vos tâches, moi je ne peux rien vous dire.
On arrive dans le domaine de la prétention. Je dois avouer que c’est une grande et belle maison de style ancien, c’est-à-dire à plusieurs étages de style « pagode » et entourée par une propriété tout aussi raffinée. Une des vermines dirait :
— Cé bô.
Ils font des fautes même en parlant. Je suis de bonne humeur, parce que je vais être reconnue en tant qu’auteure et Atsuko en tant qu’artiste. On est décoincées, c’est certain. C’est le stress qui nous a « bloquées » toutes les deux. Il va falloir se farcir les prétentieux, mais les « artistes » doivent créer en paix. On suit la petite bonne dans les sous-sols... Hélas, ça me rappelle des cuisines où je ne me suis pas amusée du tout. On entre dans une très grande pièce. La gouvernante est assise à une grande table et des petites bonnes s’activent autour d’elle.
Entourée de filles habillées, je me sens vraiment nue, de plus les bonnes viennent derrière nous pour regarder nos marques au fer rouge. La gouvernante a bien une quarantaine d’années et elle est bien en chair. Une gouvernante, quoi. On s’incline devant elle. Elle crie mais pas à nous, aux petites bonnes :
— Au travail, fainéantes !
Les filles reprennent la place qu’elles occupaient. La gouvernante nous dit :
— Alors, vous venez ici pour vous asseoir dans un coin et griffonner ou faire de découpages ?
Atsuko répond :
— Si vous le permettez, madame.
Elle a plus facilement une réponse qu’il faut que moi. La gouvernante répond :
— On verra, mais ne vous imaginez pas que vous allez être assises à écrire et découper comme des écolières, pendant que mes filles travaillent. Première chose...
Elle s’adresse à une des filles :
— Chen, apporte deux uniformes.
— On fait la lessive demain, Madame, il n’y a plus d’uniformes propres.
— Prends-en deux dans le linge sale.
— Oui Madame.
Elle nous ramène deux robes noires et des tabliers blancs. On se déguise en petites bonnes qui ont eu très chaud. C’est un détail après tout ce qu’on a vécu. Je suis contente de ne plus montrer la marque d’esclave sur ma fesse. Une des bonnes demande :
— Qu’est-ce qu’on va en faire, Madame ?
Comme au théâtre, c’est le moment où un prétentieux entre dans la pièce. Tout le monde se plie en deux, y compris la gouvernante. Quand elle se relève, le prétentieux lui chuchote ses instructions et s’en va. Il ne nous a même pas regardées. On regarde toutes la gouvernante. Elle dit :
— Les nouvelles doivent travailler écrire et dessiner de 8 à 11 heures du matin, ensuite elles seront vos servantes jusqu’au lendemain 8 heures.
Il y a six bonnes dans la cuisine et elles sont toutes très étonnées. Une de filles lui demande :
— On aura des servantes, Madame ?
— Oui, c’est ça.
Une autre demande :
— Et si elles n’obéissent pas, on peut les punir ?
— Bien sûr, mais pas plus fort que je ne vous punis moi.
À suivre
Un grand merci à Bruce Morgan pour ce super dessin.
Notre nouveau livre s’appelle : « Lizy, soumise autour du monde », il y a 60 illustrations de Bruce
Morgan et vous allez l’adorer. Il est ici :
https://www.lamusardine.com/recherche?s=mia+michael&controller=search
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