653 - 50 Cendrillon

     On entre dans notre chambre, on est toutes très fatiguées. Oriane dit :
    — Choisissez un lit et prenez un pot de chambre.
    On va toutes en chercher un. Pour le lit, j’aimerais le partager avec une fille, mais même les plus gentilles n’auront pas envie de partager le tout petit lit qu’on a. Oriane ouvre la fenêtre en disant :
    — Tant pis pour les moustiques, mais on est huit filles et on va pisser, il faut de l’air.
    Personne ne discute.
    Je me couche et je pleurerais bien un petit coup avant de dormir, mais j’ai vraiment trop sommeil. Je suis réveillée par des bruits et une odeur pas agréable du tout. Deux filles sont sur leur pot… Je sens que moi aussi, j’ai une méchante envie. Qu’est-ce qu’ils nous ont fait manger ? Je ne peux pas croire que ce soit une coïncidence. Heureusement que la fenêtre est ouverte. Une fille dit à Oriane :
    — On ne pourrait pas les mettre dehors, Mademoiselle ?
    — Non on est enfermées, j’ai vérifié.
    Je suis tellement fatiguée que je m’endors malgré l’odeur. 
***
Je suis réveillée par Oriane qui crie :
    — C’est l’heure, les filles.
    Elle ajoute :
    — Mila, corvée pots.
    Oh non ! en plus on les a toutes bien utilisés cette nuit, mais je dis :
    — Oui Mademoiselle.
    Elle ajoute :
    — Et pas la peine de t’habiller, tu risques d’en mettre sur toi.
    Mais, bien sûr je vais descendre ces pots dégoûtants à poil ! Si on n’avait fait que pipi, j’aurais pu en remplir un et empiler les autres, mais ici impossible. Nue et bien dégoûtée, je prends deux pots par les anses, un dans chaque main. Oriane m’ouvre la porte en disant :
    — Et dépêche-toi, on en a marre de cette odeur.
    Moi aussi figure-toi, connasse ! Mais il ne sort de ma bouche que :
    — Oui Mademoiselle.
    Je descends avec mes deux pots de chambre et ils sont lourds. Je vais vers les écuries et heureusement, je vois Kat. Elle me dit
    — Ça va Mila ?
    — Nooooon...
    Je dépose les pots par terre et je regarde si je n’ai rien sur moi, puis je vais dans ses bras en pleurant, bien sûr. Elle me caresse le dos en disant :
    — Pleure pas, je vais t’aider.
    Je réponds :
    — Vous êtes tellement gentille…
    Elle rit et répond :
    — Mais non… mais tu as l’air tellement… dépassée et puis tu me plais.
    — Oh, vous aussi, vous êtes belle et courageuse, le contraire de moi.
    — Arrête…
    Elle me montre où vider les pots, puis où les nettoyer. Elle monte avec moi. On entre dans la chambre et elle dit à Oriane :
    — J’aide la petite.
    Oriane hausse les épaules en disant :
    — Comme tu veux.
    Les autres filles auraient bien quelque chose à dire, mais elles savent que Kat est une garde et elles ne prennent pas le risque. On prend chacune deux pots et je lui dis encore une fois :
    — Vous êtes un ange.
    Elle répond, 
    — Me fais pas rire, je vais en renverser. Je trouve trop facile de s’en prendre à toi. Par contre, je fais plusieurs sports de combat, à deux on est invincibles.
J’adore l’idée, je lui demanderais bien des détails, mais on arrive en bas et on va jeter le contenu des seaux dans une sorte de container. Kat me dit :
    — On en fait de l’engrais. On nettoie les seaux à nouveau avec un tuyau qui envoie de l’eau sous pression. Sans elle, qu’est-ce que j’aurais fait ?
En deux voyages, on aura nettoyé les huit seaux. On s’apprête à remonter les quatre derniers seaux, quand on entend :
    — Salut les filles. 
    Kat me donne un petit coup de coude. C’est Juana, la petite garce qui nous a… tourmentées. On fait une révérence. Elle me regarde et dit :
    — Ça ne sent pas très bon ici. 
    Je réponds :
    — La nuit, on a toutes été malades, Mademoiselle.
    — Mouais… Viens avec moi.
    J’embrasse vite Kat en disant :
    — 1000 mercis.
    Puis je la suis… On va vers un des côtés du manoir, on suit une série de couloirs, jusqu’à ce qu’on arrive dans une grande pièce qui a tout à fait l’air d’un institut de beauté. Une belle femme se fait masser. Juana lui dit :
    — Voilà la fille.
    La femme repousse la masseuse et s’assied. Elle plisse le nez et lui dit :
    — Elle pue…
    Elle ajoute pour la fille qui la massait :
    — Tu charges des filles de bien la laver, Rita. Il faudra aussi la coiffer et la maquiller…
    — Oui Madame.
    C’est moi qu’on va maquiller ! C’est peut-être un rêve, mais alors où est Heibao ? Non, c’est la réalité, deux filles avec des courtes tuniques blanches me lavent… ça fait du bien. Ensuite ça devient un peu surréaliste : une fille me coiffe, tandis que deux autres filles s’occupent de mes ongles des mains et des pieds. Il y a du travail, mes ongles sont sales et ébréchés. Je dis tout bas à la fille qui me fait les pieds :
    — Pourquoi vous faites tout ça ?
    Elle met son index devant sa bouche et fait tout bas « chuuut ». Ce n’est pas fini, à deux elles m’épilent les jambes, ça fait maaaal ! Heureusement, elles ne touchent pas aux poils de ma chatte ni de mes aisselles. Je crois qu’un des Maîtres veut baiser une Occidentale propre et pas la sauvage que j’étais. Cendrillon transformée en princesse. La femme dit :
    — N’oubliez pas les dents.
    Une fille me les lave, je veux prendre la brosse à dents, mais elle donne une claque sur la main. Bon, elle me lave les dents et même la langue. On fait ça ?
Quand je suis propre, une autre fille me met une culotte. Elle dit :
    — Pardon Madame, faut-il aussi lui mettre un soutien-gorge ?
    — Comment sont ses nichons ?
    La fille me pince les seins et dit :
    — Petits, mais beaux et fermes.
    — N’en mets pas.
    Après la culotte, la fille m’aide à enfiler une jolie robe blanche décolletée et sans manches. Une des filles qui m’a lavée me prend par la main comme si j’avais cinq ans et m’amène vers la femme qui se fait masser les jambes. Elle me regarde et me dit :
    — C’est bien, on dirait presque une fille de bonne famille, à part son air terrorisé.
    Quand j’étais au paradis, je veux dire, quand j’étais la femelle d’Heibao, on ne se lavait pas, mais on était heureux. La femme dit :
    — C’est bon, habillez-moi.
    Les filles viennent aussitôt lui mettre une belle robe et des chaussures aux pieds. Elle me dit :
    — Tu vas être présentée à la famille de Madame.
    Je pensais que c’était elle, Madame. Surtout ne pas chercher à comprendre… Si, après tout, je lui dis :
    — Ce n’est pas vous, Madame ?
    — Je suis sa sœur. Ne pose pas trop de questions, on va t’expliquer.
    On prend deux couloirs. À côté d’une porte, un jeune domestique s’incline et ouvre la porte. On entre. Plusieurs personnes sont dans la pièce. Ce sont tous des Métis, bien sûr. Une femme est assise dans un fauteuil et elle lit un livre. Un LIVRE : ça existe encore, ça ? Sa sœur, si j’ai bien compris, lui dit :
    — Voici la petite sauvageonne transformée en fille.

    Elle rit, sa sœur aussi. Et moi, je dois faire quoi ? Madame me dit :
    — Imagine que tu es encore dans ta riche famille, qu’est-ce que tu me dirais ? 
    Vite, vite qu’est-ce que je lui dirais ? Ah, oui :
    — Je suis ravie de vous rencontrer, Madame, et je vous remercie pour votre charmant accueil.
    Elle répond :
    — Tout le plaisir est pour moi. Je vois que tu n’as pas oublié les manières de la bonne société. Je te présente ma famille et ensuite, on parle sérieusement.
Elle me présente les autres femmes  : 
    — Voici ma mère, ma belle-mère, ma sœur et mes nièces.
    Chaque personne me fait un petit signe de la tête. Que des femmes, c’est quoi ce truc ? Elle me dit :
    — Je dois te parler, mais d’abord, on va boire et manger quelque chose.
    On passe dans une autre pièce, une grande salle à manger. Elle va s’asseoir devant une grande table dressée… je veux dire qu’il y a des assiettes, des couverts et des verres. Elle me dit :
    — Assieds-toi en face de moi.
    Je n’ai vu que des femmes, à part le domestique devant la porte. Je lui demande :
    — Pardon Madame, mais… euh… Il n’y a que des femmes.
    Elle m’explique :
    — Nous pratiquons le matriarcat, comme la plupart des grandes familles. 
    Elle agite une petite cloche en métal et ajoute :
    — C’est une vieille tradition européenne pour appeler les domestiques.
Aussitôt un homme mince d’une quarantaine d’années et deux garçons d’une vingtaine d’années arrivent dans la pièce. Ils sont vêtus d’un pantalon noir et d’une chemise blanche. Ils viennent tous les trois s’incliner devant elle, mais bien ! Elle me dit :
    — Mon mari et mes deux fils, les autres hommes de la maison font les corvées qui leur ont été assignées. 
    Ils se tournent et s’inclinent devant moi. Oh ! C’est bête, mais je suis choquée… et très étonnée. Je sais maintenant qu’elle pratique le matriarcat, mais aussi la vente d’esclaves… 
    — Mila !!!
    — Oui Madame…
    — Ça y est, c’est rentré dans ta petite tête ?
    Là, elle parle comme quelqu’un du peuple, pas comme une lady. Je réponds :
    — Oui, Madame, je suis surprise, je…
    Elle me coupe en disant :
    — Je t’expliquerai, mais avant on va boire et manger.
    Elle dit aux domestiques, c’est-à-dire son mari, son fils et son neveu, qui attendent debout les yeux baissés :
    — Vous n’avez pas entendu ?
    Tous les trois, ils répondent :
    — Si Madame.
    Ils saluent et sortent de la pièce, pour revenir bientôt avec des plateaux, sur lesquels se trouvent des pâtisseries et des bouteilles. Ils nous servent… Je dois avouer que j’adore être servie par des… domestiques. L’un d’eux met une grande coupe de glace recouverte de crème fraîche devant moi. En voyant qu’il y a du caramel sous la glace, je pense que c’est une « brésilienne », normal. J’adore ça. Je dis au jeune homme  :
    — Merci.
    Madame me reprend :
    — On ne remercie pas les domestiques.
    — Oui, pardon je… n’ai plus du tout l’habitude. 
    — Tu t’habitueras et pardon, oublie ce mot. 
    Heureusement, je ne dis pas « pardon, Madame »

À suivre.

Un grand merci à Bruce Morgan pour le super dessin.

Notre nouveau livre s’appelle : « Lizy, soumise autour du monde », il y a 60 illustrations de Bruce Morgan et vous allez l’adorer. Il est ici :
https://www.lamusardine.com/recherche?s=mia+michael&controller=search










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